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RdV Réhabilitation frugale #6 – L’autoréhabilitation accompagnée
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Le groupe Réhabilitation frugale, Actualités, Logement, Réhabilitation

RdV Réhabilitation frugale #6 – L’autoréhabilitation accompagnée

avec Marie DAGORRET (ingénieure-architecte à l’Atelier du 32) et Thomas ZINS (architecte-urbaniste et autoréhabilitateur), membres de la FédAc

mardi 30 avril 2024

Cette réunion, consacrée à l’autoréhabilitation accompagnée, a été préparée et animée par Soraya Baït d’InSitUrb et coanimatrice du groupe thématique réhabilitation frugale. Nous avons eu le plaisir d’accueillir deux invité.e.s, membres de la FedAc. Œuvrant chacun.e à sa manière dans ce champ d’action, ils sont venus nous partager leurs expériences faites d’ajustements continuels, à la recherche du geste convivial :

Marie DAGORRET, très tôt impliquée dans l’acte de bâtir, elle a grandi dans une double culture où la maison et la famille sont des piliers fondateurs. Ingénieure centralienne poursuivant des études en architecture, Marie a fondé son atelier de maîtrise d’œuvre ATELIER DU 32, en 2018. Avec son équipe, elle développe des outils pour faciliter et encourager la participation des maitres d’ouvrage, dans une démarche d’accompagnement à l’autoproduction. Elle viendra nous partager quelques projets accompagnés, qui racontent une approche fondée sur la souplesse des relations vivantes, la rigueur technique, la tolérance envers les errances et erreurs humaines et l’intransigeance face aux simplifications et aux raccourcis

Thomas ZINS, Architecte urbaniste et autoréhabilitateur, a choisi l’itinérance en famille depuis plus d’un an, comme une sorte de compagnonnage, où il met les mains à la pâte, en allant rencontrer et aider des collectifs d’auto-producteurs, à travers toute la France. Ce voyage réflexif intervient après une quinzaine d’année d’exercice salarié en agence sur des échelles de projets très diverses. Son questionnement sur sa pratique l’a poussé vers la redéfinition d’un exercice, qu’il souhaite plus proche du faire, si présent depuis son enfance passée dans une famille d’auto-constructeurs. Aujourd’hui, il se tourne vers la facilitation du projet en co-conception ainsi que l’accompagnement à l’auto-construction / réhabilitation.

L’auto-réhabilitation, c’est :
– Savoir respecter le bâti qu’on habite et le comprendre ;
– Améliorer l’habitat et sa qualité d’usage ;
– Retrouver sa liberté ;
– Essayer de maîtriser ses dépenses.
à condition d’être bien accompagné.

Le modèle industriel de construction des bâtiments et surtout des logements, qui ne fait appel qu’à des professionnels, a montré ses limites. Il aboutit à une nouvelle crise et, parmi les solutions alternatives possibles, l’auto-construction permet à ceux qui la pratique de « s’en sortir » et de bien vivre.

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Les ancêtres : le mouvement des castors et les coopératives ouvrières

Après la deuxième guerre mondiale, la pénurie de logement a poussé de nombreux particuliers à auto-construire leur logement. Certains ont uni leurs forces dans des coopératives de construction, comme Les Castors. On parle alors « d’apport-travail » : le chantier, mené en fin de journée, le week-end et pendant les congés payés, compense la faible capacitée d’emprunt des familles désireuses de se loger dignement.
La loi ALUR a prévu de revaloriser l’apport-travail en le prenant en compte dans le financement.
Les Castors seraient apparus pour la première fois en Suède avant la Seconde Guerre Mondiale, mais on trouve aussi en France, dès 1921 des « cottages sociaux » déjà basés sur le principe d’une autoconstruction organisée.

Le principe de l’apport-travail est reconnu officiellement par Eugène Claudius-Petit, ministre de la Reconstruction, en mars 1951.  Cette reconnaissance officielle a permis aux Castors d’emprunter sans apport en espèces. Le regroupement permet d’approvisionner le chantier par grosses quantités, donc avec des tarifs avantageux. Mais surtout l’idée est de développer une culture de l’entraide et de la solidarité, et même, de retrouver la fierté par le travail. Les groupements s’organisent avec des règles et exigent de la discipline sur les chantiers. Les constructions concernent surtout des maisons, mais aussi quelques cités, avec des projets de vie. Les constructions collectives ont été arrêtées dans les années 70, par la suppression des facilités d’assurance des Castors pour la construction des bâtiments collectifs.

Le contexte

Mais l’auto-construction et l’auto-réhabilitation accompagnées, restent peu pratiquées, alors que deux rapports ont insisté sur leur nécessité : l’édition 2009 du rapport annuel du Conseil d’État et le rapport Berrier du Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable, datant de 2014, qui demande que ces opérations soient encouragées et sécurisées. Pour l’instant, aucune mesure d’accompagnement n’est mise en place.
Attention : ne pas confondre vernaculaire et auto-construction ou auto-réhabilitation.
Le vernaculaire concerne les constructions anciennes réalisées en utilisant des matériaux non industrialisés, un savoir-faire ancestral et l’expérimentation ;
L’auto-construction se place dans notre époque actuelle et repose sur les règles de l’art et l’utilisation des matériaux disponibles et, pour la plupart, industrialisés.

Un auto-constructeur qui devient accompagnateur : Thomas Zins (atelier Tojo)

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Au départ un projet personnel : vivre dans Paris avec peu de moyens avec sa compagne architecte, elle aussi. En 2012, ils trouvent le 1er étage (39m2) d’une maison ouvrière à Belleville, avec, même, un jardin. Ils sont accompagnés par le père de Thomas qui a une expérience pratique.
La construction en briques creuses et plâtre (notamment plancher en augets de plâtre) ne permet pas la surélévation envisagée. Ils commencent par curer l’espace et décloisonner, rendre le bâtiment étanche à l’air. Le renforcement acoustique du plancher impose la dépose du parquet de chêne, qu’ils réutilisent, après l’avoir poncé et avoir assurer sa planéité.
L’achat du rez-de-chaussée conduit à reprendre des travaux en 2018-2019 pour assainir et aménager le rez-de-chaussée insalubre et surélever.
La relation avec les voisins, une copropriété, a aussi été un sujet lourd : respecter les règles d’urbanisme, les jours de souffrance du pignon de la copropriété, gérer l’arrivée des matériaux et leur stockage. Néanmoins, les 4 ans de travaux se sont passés en prenant soin de cette relation de voisinage. Les voisins ont même accepté des stockages dans un coin délaissé de leur jardin.
L’accompagnement aide aussi à établir les matériaux et les quantités nécessaires, les coûts associés (outils, mais aussi frais de l’accompagnant, …), à gérer la sécurité.
Thomas est aussi membre du réseau TWIZA, Réseau d’entraide pour un habitat écologique, qui concerne à la fois les maîtres d’œuvre (le groupe se réunit le 4ème lundi du mois à 8h30) et les autoconstructeurs. Il s’appuie sur le partage d’expérience et le chantier participatif.

L’atelier du 32, accompagnant d’auto-réhabilitations performantes

L’atelier du 32, composé de Marie DAGORRET, ingénieur, et de deux autres maîtres d’œuvre, un ingénieur et un ancien artisan, est installé en région nantaise et accompagne des auto-réhabilitations avec l’ambition de leur faire obtenir le label BBC, Effinergie : dans l’équipe d’accompagnants, il est utile d’avoir un thermicien. La maîtrise d’ouvrage doit se faire également assister d’un accompagnateur rénov’ s’il veut obtenir des aides de l’Etat. Cela permet aussi de rassembler tous les acteurs d’un projet autour d’un même objectif en s’appuyant sur l’obligation d’être accompagnés. Marie a présenté cinq projets :

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Projet 1 : Un hangar industriel abandonné transformé en habitation, avec conservation de la structure métallique et réalisation d’une boite intérieure en ossature bois pour coller aux ressources disponibles, ici, une importante main d’œuvre bénévole. On a ainsi évité l’emploi d’échafaudages et d’engins de levage. Pour ce projet, le maître d’ouvrage voulait aussi une verrière importante qui a été réalisée par un professionnel. Les débours évités par l’auto-construction ont permis de la financer ;

Projet 2 : Une bâtisse rurale rénovée énergétiquement couverte en liège et enduit traditionnel pour ne pas dénaturer son image et préserver l’équilibre hydrique des parois ;

Projet 3 : Un bâtiment enserré (des mitoyennetés fortes et en 3D !) : l’ossature bois et la vêture extérieure en fibre de bois ont fait appel à de petits éléments manuportables ;

Projet 4 : L’amélioration de l’enveloppe d’une maison en auto-construction a permis au ménage qui l’habite d’échapper à la précarité énergétique : pose de menuiseries avec l’aide d’un menuisier, isolation et étanchéité à l’air de la toiture ;

Projet 5 : Une collaboration avec un fablab bois de Nantes pour réaliser des ouvrages d’agencements intérieurs (escaliers, etc.).

La vertu de l’auto-construction accompagnée : apprendre des autres, notamment de professionnels et en particulier :
– Apprendre les bons gestes, prendre des habitudes et des réflexes (faire des plans, s’organiser (nomenclature de morceaux de bois, par exemple, gérer l’approvisionnement et la sécurité) ;
– Prendre du temps d’écoute et d’étude, lister les ressources du maître d’ouvrage (dont la main d’œuvre qui peut l’accompagner).
– Les accompagnants peuvent prêter main forte et aider à la bonne ambiance du chantier. Ils recherchent les techniques pertinentes, les moyens de représenter le projet, bien adaptés à la compréhension de tous. La difficulté est qu’il faut accepter de ne pas tout contrôler : il faut de la souplesse.
Les membres d’Atelier 32 réfléchissent à un système de garantie participatif, comme il en existe dans le milieu agricole, hors cadre d’un bureau de contrôle. Ils abordent toujours leurs pratiques par le prisme du chantier.

MORICE, élaboration, en cours, d’une méthode

Ensemble et avec d’autres accompagnants, ils essayent de rédiger une « Méthode d’Organisation pour rénover des maisons individuelles en collectif » dite MORICE. Elle a pour objectif d’incité au groupement, sur un même territoire (la rue, l’îlot, le quartier, …) de personnes qui serait un maître d’ouvrage à plusieurs têtes et qui pourrait regrouper des fabricants, des ateliers partagés, des groupements de main d’œuvre participative… On passe ainsi d’une action sur un bâtiment à des actions plus vastes, la rue, le quartier, etc.
Cela ouvre des possibilités de mutualisation de solutions techniques, d’outils, de savoir-faire…
Les 5 étapes clés de la méthodologie sont détaillées dans la vidéo de rediffusion.
La gageure : utiliser le collectif dans un territoire où le tissu est surtout celui de maisons individuelles. Mais l’innovation sociale est un des grands enjeux de la réhabilitation frugale. Il est important de la cultiver à toutes les échelles.

Ressources

La FédAc
Tous les intervenants de cette réunion sont membres de la FedAc, la Fédération des accompagnants. Cette fédération met en commun les expériences, les ressources et les connaissances de ses membres. C’est ce qui a été fait lors de la journée organisée à Paris le 15 mars 2024 pour l’autoréhabilitation accompagnée ARA.
Un kit FédAc est déjà disponible pour les artisans et les maîtres d’œuvre. Il indique le cadre légal de l’accompagnement d’un chantier et définit les missions de maîtrise d’œuvre dans le cadre d’un chantier participatif. Son emploi nécessite une formation que la FédAc peut fournir. Il sécurise la pratique des artisans : Il n’y a pas de décennale si l’auto-construction n’est pas accompagnée. Alors que si l’artisan est présent, si un accompagnant professionnel est présent, leurs assurances couvrent les travaux auxquels ils participent.
Pour la sécurité, il existe des assurances responsabilité civile (Twiza ou les Castors en proposent) et il faut vérifier les assurances des entreprises ou artisans qui interviennent, de l’état des outils, … Dans tous les cas, il est nécessaire que l’accompagnant s’assure que l’entreprise a bien compris le projet et l’organisation mise en place (avec la participation de la maîtrise d’ouvrage comme acteurs impliqués dans le process du chantier: règles de l’art, descentes de charges, réservations, planning etc…)
Vous trouverez d’autres ressources sur le site internet de la FedAc.

L’ANAH
L’ANAH subventionne des travaux encadrés par des architectes, réalisé pour des ménages « modestes et très modestes » avec des « compagnons bâtisseurs  » qui ont mis en place un « métier d’accompagnement », l’encadrant de chantier. Le contrat est signé par le maître d’ouvrage avec l’architecte et l’association des compagnons bâtisseurs qui porte le rôle de formateur.

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Le groupe thématique Réhabilitation frugale se fixe pour objectif de démultiplier nos expériences en la matière en partageant l’analyse de projets pris dans leur contexte global de réalisation. Nous nous réunissons en visio, en général le dernier mardi des mois pairs, de 18h à 19h45 autour de cas concrets avec leurs acteurs qui nous parlerons de leurs motivations et des freins rencontrés; et des interventions ponctuelles de spécialistes sur une thématique choisie pour appréhender les phénomènes en jeu. Vos propositions de projets sont les bienvenues! Pour participer et recevoir toutes nos actualités inscrivez-vous : Réhabilitation frugale

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