Architecte, urbaniste, pionnier de l’écoresponsabilité et écrivain, Philippe Madec a répondu à nos questions.
Né en Bretagne en 1954, Philippe Madec est un des pionniers du développement durable en urbanisme et architecture. Également écrivain, il est à l’initiative du Manifeste pour une frugalité heureuse & créative, paru en 2018 et qui porte sur l’aménagement des territoires urbains et ruraux.
Expert pour le Grenelle de l’Environnement, il réfléchit à comment combiner au mieux architecture, infrastructure, sobriété et écologie. Il est notamment professeur, depuis 2010, à l’ENSA de Rennes, où il enseigne « L’invention du territoire Durable ». Il est récemment intervenu lors de l’Université de la Terre, qui s’est tenue les 25-26 novembre à l’Unesco à paris.
WE DEMAIN : Sur une échelle de 1 à 10, quelle note attribuez-vous à la prise en compte de la crise et de l’urgence climatique…
Philippe Madec : Les Français ne sont pas une personne consciente et une unité agissante, mais une multitude diverse de pensées et d’actes. Certains peuvent recevoir un 10, d’autres un -10 ! Par le gouvernement, allez un bon 5 ! Peut mieux faire ! Oups… 5, c’est éliminatoire…
A titre professionnel, dans votre domaine et votre secteur d’activité, quelles actions doivent être menées en priorité ?
Trop de nucléaire, trop de gaz avec le Qatar, trop de soutien aux propriétaires et pas aux locataires, trop d’injonctions à la sobriété, à l’austérité pour tous, y compris les démunis, ceux qui n’ont connu ni l’opulence, ni l’abondance, ni l’insouciance. Trop de promesses non financées ! N’attendons pas de notre gouvernement la possibilité de faire autrement ! Faisons !
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Faisons… mais comment ?
Il est nécessaire aujourd’hui de s’inspirer des pratiques et des initiatives promues et mises en œuvre par les signataires du Manifeste pour une frugalité heureuse & créative : la participation citoyenne, la conception bioclimatique, l’emploi des techniques simples (low-tech et right-tech), la mise en œuvre de matériaux bio et géosourcés, le ménagement des territoires, la valorisation de la réhabilitation, l’arrêt des démolitions. Dans l’urbanisme et dans l’architecture, certaines mesures prioritaires peuvent être prises, à commencer par une taxe sur la mise en œuvre de béton armé de ciment Portland, indépendamment de la taxe carbone.
A l’inverse, on pourrait envisager de baisser la TVA pour la mise en œuvre de matériaux bio et géosourcés mais aussi n’autoriser l’installation de la climatisation que sur ordonnance médicale. Enfin, je plaide pour l’institutionnalisation de la Journée sans béton et l’organisation de fêtes populaires pour célébrer notre attachement à la vie : la Fête du soleil, la Fête de l’ombre, la Fête de la pluie, etc.
« On pourrait envisager de baisser la TVA pour la mise en œuvre de matériaux bio et géosourcés. »
Philippe Madec.
A titre personnel, qu’avez-vous entrepris pour lutter contre le réchauffement climatique ?
Depuis plus de trente années, j’ai réalisé de nombreuses architectures respectueuses des milieux et des cultures locales, ravivant les héritages et les savoir- faire anciens par des innovations qui les réinventent face à l’avenir. Et cela toujours avec l’idée de faire mieux avec moins : ventilation naturelle, terre coulée, brique de terre crue compressée, zéro chauffage, isolation paille ou herbe, etc.
Je dispense également, depuis 1986, des enseignements en paysage, urbanisme et architecture, et j’interviens dans des conférences pour partager l’urgence de l’engagement et le rôle de la culture dans l’écoresponsabilité. J’ai participé à la rédaction du Manifeste pour une frugalité heureuse & créative lancé en 2018, et j’ai publié, en 2004, Le Coyote, le Petit Renard, le Geai et le Pou, réédité cette année (éd. Sujet/Objet).
Le 29/11/2022 par Victor Branquart